Mangroves, développement économique, et tourisme communautaire aux Philippines

Lorsque j’ai vu le que thème du concours de blogueurs pour la Journée Internationale du Tourisme était “tourisme et développement communautaire”, j’ai tout de suite pensé au projet de l’association « Kalibo Saves the Mangroves Association » (KASAMA), que j’ai eu la chance de visiter aux Philippines il y a 2 ans, et avec qui je suis toujours en contact. L’action de cette ONG m’a énormément inspirée et est l’un des plus beaux exemples de ce que le tourisme peut faire pour le développement économique et la préservation de l’environnement.

Au départ, il y a un homme, Allen S. Quimpo, qui, en 1989, décida de planter des mangroves pour sauver le littoral, et créa la « Kalibo Save the Mangroves Association » (KASAMA) avec des habitants de la communauté. Depuis, l’unique devise de KASAMA est « planter, planter, planter ». Aujourd’hui, c’est une véritable forêt de mangroves qui a vu le jour, sur plus de 200 hectares. Cette forêt a de très nombreux avantages.

Evolution de mangroves (en haut à gauche: en 1989; en bas à droite: maintenant)

Evolution de mangroves (en haut à gauche: en 1989; en bas à droite: maintenant)

Elle permet d’éviter l’érosion des sols et minimise l’impact des typhons, constituant une barrière naturelle sur le littoral. La biodiversité de la zone a considérablement augmenté, avec notamment de nombreuses espèces d’oiseaux qui sont apparues, ainsi que des papillons, des serpents, et tout un écosystème marin.

Une forêt, c’est un projet de long terme, cela nécessite de l’entretien et une protection. L’association KASAMA a transformé ce projet en une action communautaire pour améliorer la vie des habitants tout en s’assurant que la forêt ne soit pas dégradée. Ainsi, les habitants viennent librement pêcher des crabes, des poissons et des coquillages, que les mangroves abritent. De plus, depuis quelques années, la confection de briquettes a été mise en place, générant un « charbon vert » à partir des branches des arbres élagués. Cela crée  des emplois et les habitants ont ainsi accès à une énergie moins chère que le gaz.

Comment ce projet est-il financièrement durable ? Comment continuer à planter des mangroves ? C’est là que les touristes entrent en jeu.

Chemin en bambou pour les touristes

Chemin en bambou pour les touristes

Les touristes sont invités à se promener dans la forêt sur un long chemin en bambou créé par des membres de la communauté, accompagnés d’un guide local qui leur expliquera l’histoire du lieu, la biodiversité, et leur fera déguster le tamilok, ver qui pousse dans les mangroves. Les recettes des entrées au parc reviennent à l’entretien des lieux, au paiement des salaires des guides et des gardes, et à la plantation de nouvelles mangroves par les communautés.

En tant que touriste, j’ai énormément appris lors de cette visite, c’est la première fois que je voyais une si grande et si belle forêt qui soit entièrement l’œuvre d’êtres humains. Je suis par la suite devenue une ambassadrice des mangroves, vantant leurs vertus partout où j’allais. Pour moi, le tourisme durable, c’est celui-là. C’est un tourisme fait d’échanges, d’apprentissage, où l’on s’émerveille, tout en soutenant les actions et les projets de la communauté locale.

 

 

Fin de l’aventure Sama Sama Découverte aux Philippines. Mais on n’en reste pas là…

Notre aventure de 3 mois aux Philippines à la découverte d’initiatives de tourisme durable se termine ici, et c’est l’heure pour nous de faire un petit bilan. Nous avons été émerveillés par l’engagement, la motivation inébranlable et la capacité à innover de nos interlocuteurs lors des interviews. Il n’y a pas une région, pas une ville, et presque pas un barangay sans qu’on y trouve une personnalité aux idées farfelues pour protéger l’environnement et/ou combattre la pauvreté.

Pêcheur à pied, Sagay, Negros

De la forêt de mangroves à Kalibo aux rizières et grottes de Sagada, en passant par les maisons ancestrales de Silay ou encore la rivière émeraude Bojo, nous espérons que vous avez voyagé avec nous et que vous avez partagé notre enthousiasme (et parfois aussi nos doutes). Ce voyage aura changé notre regard sur les bienfaits de l’implication de la communauté lors de la création d’un circuit touristique et il est très probable qu’à l’avenir, nous rechignerons moins à payer des guides locaux ou des prestations plus chères lorsqu’elles redistribuent équitablement les bénéfices.

Atelier de vannerie, Basey, Samar

En effet, le tourisme durable est quasiment systématiquement plus cher que le tourisme de masse, du fait qu’il rémunère plus de personnes de la communauté et qu’il finance très souvent des initiatives annexes (mesures pour la protection de l’environnement, dons pour des programmes sociaux etc.). Le plus important à nos yeux c’est la transparence de ces coûts et la prise de conscience du grand public aux avantages liés à un tourisme plus respectueux de l’environnement et des populations.

Violaine.

Le tourisme est un puissant outil de développement. Il apporte un espoir pour les populations locales de sortir de la pauvreté, d’améliorer les conditions sociales, parfois environnementales (créations de zones protégées marines et forestières), et de découvrir des personnes venues d’ailleurs. Mais, s’il n’est pas bien planifié et contrôlé, il peut vite se retourner contre la population et l’environnement. On pense alors à Boracay: une petite île paradisiaque transformée en station balnéaire où les hôtels et autres commerces ont envahi les plages, dénaturant cette perle rare, et provoquant un afflux de main d’œuvre – tant mieux, ça crée de l’emploi ! – mais au prix de conditions sanitaires problématiques, d’inondations (les sols déboisés ne pouvant plus retenir l’eau), et d’écoles publiques surchargées (certaines classes en primaire ont jusque 60-70 élèves).

Le fermier et sa chèvre, Kiangan, Ifugao

Le tourisme doit donc être respectueux de la population d’accueil. Il doit dépasser la simple satisfaction du besoin de curiosité du visiteur et prendre en compte le tissu social, culturel et religieux. La compréhension, la consultation, la préparation et la formation des  communautés locales sont alors les enjeux primordiaux pour s’assurer que celles-ci soient prêtes à accueillir au mieux les touristes. Favoriser un développement économique et social, oui. Mais, tout en évitant une trop grande influence des cultures extérieures et une dénaturation des riches différences culturelles locales. Il faut donc laisser le temps au temps et s’adapter aux communautés d’accueil. L’expérience touristique ne sera alors que plus enrichissante et authentique.

Le majestueux Mont Mayon, une des merveilles naturelles des Philippines

Ce voyage de presque trois mois nous aura permis de mieux comprendre les différents risques, enjeux et opportunités du tourisme. Il nous aura permis de découvrir certaines clés pour développer un tourisme désireux de respecter les hommes et l’environnement. Et cela grâce à toutes ces rencontres et interviews avec ces véritables entrepreneurs humanistes. Ils sont membres d’institutions gouvernementales,  d’ONGs, employés ou créateurs d’entreprises. Ils ont partagé avec nous leurs espoirs et leurs craintes et nous ont transmis une partie de leur force. Si toutes ces initiatives continuent à se développer au rythme actuel, et si elles sont bien gérées, il y a grand espoir que les Philippines deviennent une destination majeure d’un tourisme respectueux des hommes et de l’environnement.

Edern.

Sama-sama Découverte ne s’arrête pas ici, nous avons pour projet l’écriture d’un petit livre sur nos rencontres aux Philippines (dont l’édition est en pourparlers avec l’Université des Philippines) et peut-être une autre conférence. Concernant nos projets de création d’entreprise dans le tourisme durable, ces trois mois nous ont donné le temps et la matière nécessaire à la réflexion.  Devant les enjeux professionnels (nécessité d’avoir des fonds propres à investir, corruption omniprésente, pas de partenaire philippin pour le moment) et personnels (vie sentimentale et familiale absents aux Philippines),  nous avons décidé de nous donner plus de temps et accumuler plus d’expérience professionnelle avant d’envisager de nous lancer. Mais nous n’en restons pas moins convaincus des potentiels ENORMES du tourisme durable aux Philippines.

A bientôt de Violaine et Edern. Et n’oubliez pas une chose: « It’s more fun in the Philippines »

Le Département du Tourisme, une bonne volonté mais peu de moyens

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C’est une rencontre que l’on attendait depuis longtemps. Le Département du Tourisme (DOT) est le Ministère national en charge de l’appui aux projets locaux de tourisme, des accréditations, du marketing et de la collecte de données et rapports statistiques reliés au tourisme. Durant ces 3 mois, nous avons pu avoir un aperçu du travail du DOT et de ses forces et faiblesses au travers des initiatives de tourisme que nous avons visitées. Après l’interview du DOT régional de Leyte et Samar, il nous était donc primordial de rencontrer le DOT national pour conclure ce projet sur une note globale. C’est un dimanche, au Starbucks du coin, que nous avons pu poser toutes nos questions à Rolando Canizal, le Directeur de l’Office du Planning, de la Recherche et du Management de l’Information du DOT.

La campagne marketing du DOT

 Le DOT avait pris part à la rédaction du National Ecotourism Strategy (NES) en 2002, qui s’est achevée cette année. Ce plan a permis d’instaurer la notion d’écotourisme dans le pays et de poser les grands enjeux et mesures à mettre en place. Tandis qu’une mise à jour de ce plan est en cours, le National Tourism Development Plan (NTDP) pour 2011-2016, le plan stratégique global pour le tourisme au niveau national, privilégie la notion de tourisme durable et en fait son cheval de bataille. La mission de ce plan est de promouvoir un « tourisme responsable au niveau social et environnemental qui permet une plus large distribution des revenus et des opportunités d’emploi ». Le NTDP met en avant plusieurs axes d’amélioration afin de booster le tourisme aux Philippines (actuellement pays classé 94e sur 139 pour la compétitivité du tourisme). D’ici à 2016, le plan prévoit de passer de 3.5 millions de touristes étrangers en 2010 à 6.6 millions, de 27. 9 millions de touristes locaux à 34.8 et d’une part du tourisme dans le Produit National Brut de 5.76 à 6.78 %. Mais pour cela, des investissements en terme d’infrastructures (aéroports, routes) doivent être faits, les produits touristiques développés, et le rôle des gouvernements locaux clarifié.

La campagne marketing du DOT

Ne voulant pas vous perdre et vous endormir devant tant de chiffres et d’informations, nous allons donc développer certains points essentiels des enjeux spécifiques du DOT pour soutenir et développer le tourisme durable.

Premièrement, beaucoup d’attention a été portée à la conservation de l’environnement, la mise en place de règles et de bonnes pratiques pour créer et préserver des zones protégées etc. Cependant, maintenant, l’accent doit être mis sur l’entrepreneuriat, à savoir l’acquisition de compétences de création et de gestion d’un business au niveau local, afin que les municipalités et communautés puissent avoir les bons outils pour développer leurs produits touristiques. Pour cela, le DOT va offrir plus de formations sur l’esprit d’entreprise, avec l’aide d’organisations d’aide internationales, surtout la Canadienne (CIDA), la Japonaise (JICA) et l’Allemande (GTZ).

La campagne marketing du DOT

Deuxièmement, le système d’accréditation pour l’écotourisme doit être renforcé (actuellement seuls 4 organismes sont accrédités), en expliquant mieux les conditions et les retombées pour l’organisme accrédité et en créant un support théorique plus complet pour expliquer les caractéristiques propres à ce type de tourisme. Par ailleurs, le DOT n’a pas encore de liste précise recensant les différentes initiatives de tourisme durable.

La campagne marketing du DOT

Troisièmement, les relations avec les gouvernements locaux doivent être clarifiées. Ces derniers doivent être actifs dans le développement de leurs produits touristiques, ils ne doivent pas attendre du DOT qu’il prenne tout en charge. Concernant le tourisme communautaire, le rôle des municipalités est de soutenir les initiatives communautaires et de les protéger contre la concurrence mais pas de gérer et manager le projet en lui-même, sans quoi il ne serait pas durable (nous en avons déjà parlé maintes fois dans nos articles). Par ailleurs, les gouvernements locaux se doivent de faciliter les démarches administratives pour les investissements du secteur privé. A de nombreuses reprises, les procédures nationales et locales se contredisent et sont très lourdes, décourageant ainsi les investisseurs.

Enfin, afin de mieux appréhender l’impact du tourisme durable et les voies d’amélioration, la collecte de données doit être plus efficace et fiable. Le DOT dispense déjà des formations en statistiques aux gouvernements locaux mais les hôtels sont encore majoritairement réfractaires à la collection de données, par peur de se voir taxer plus ou de perte de confidentialité des informations.

Le travail ne manque pas au DOT mais les travailleurs si : avec un budget très

La campagne marketing du DOT

serré, le Département manque de moyen. Par exemple, la Malaisie dispose de 80 millions de dollars pour son budget marketing du tourisme quand les Philippines en ont 10. Qu’à cela ne tienne : les philippins ne sont pas à cours de ressources et le DOT a lancé une campagne marketing s’appuyant sur l’humour et le slogan « it’s more fun in the Philippines » via les réseaux sociaux qui est alimentée par la population et qui a été très populaire, sans coûter des sommes considérables. L’aspect participatif des Philippins a rendu cette campagne plus fidèle à la culture du pays et de ce fait plus efficace.

Le Département des Ressources Naturelles n’ayant pas été très coopératif et arrangeant pour nous recevoir, nous achevons donc ce travail de 3 mois sur cette interview du DOT, qui nous a permis de mettre en perspective nationale les enjeux locaux que nous avions relevés.

Comment développer et promouvoir une région encore peu parcourue

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Après avoir interviewé des chargés de tourisme de différentes municipalités aux Philippines telles que Pandan  (Antique, Panay), Basey (Sohoton), Sagay (Negros), Donsol (Sorsogon), Oslob (Sorsogon) ; après avoir rencontré la responsable développement-produits de la province de Bohol, et avant d’avoir une vision nationale du travail du Département du Tourisme (DOT) Philippin, il nous paraissait important de d’étudier un DOT régional, donc couvrant plusieurs provinces. Nous avons choisi les Eastern Visayas (Visayas de l’Est), la Region VIII, incluant Samar, Leyte et Biliran. En effet, cette région est la moins touristique des Philippines, très pauvre, aux quelques problèmes politiques et en manque flagrant d’un réseau de transport efficace, comme vous avez pu le lire dans nos précédents articles. Nous avons donc cherché à comprendre comment le DOT faisait face aux enjeux regionaux , quelles sont les opportunités et comment promouvoir cette région riche en ressources naturelles et culturelles, pourtant peu fréquentée.

Sortie des classes

Ms Tiopes, directrice du DOT Région VIII depuis 2005, nous a fait preuve d’une grande passion et énergie pour sa région. Du département de l’Industrie, au gouvernement provincial en passant par l’Agence gouvernementale de l’Information, elle est une experte en matière d’administrations philippines.

En bref, la mission du DOT régional est «d’encourager, de promouvoir et de développer le tourisme comme activite socio-économique majeur permettant de générer des liquidités de monnaie étrangère, de l’emploi, et de faire profiter le secteurs privé et public des bénéfices du tourisme». En pratique, le DOT assiste les différents acteurs du tourisme : les offices provinciales et municipale de tourisme, les communautes locales et les entrepreneurs que sont investisseurs privés, publics ou ONGs. Ce soutien à l’activité économique passe par un conseil en business plans, par le développement de produits touristiques en collaboration avec les acteurs concernés offrant des expériences uniques plus que des activités non reliées ensemble, des formations (on en a beaucoup parlé dans nos différents articles précédents), par l’autorité de fournir les accréditations obligatoires aux hôteliers, tours opérateurs, organisateurs de séminaires et aux opérateurs de transports.

Sohoton Natural Bridge

Mais surtout, le DOT régional a un role majeur de « promotion, communication, marketing » dans une région peu parcourue comme les Eastern Visayas : pour cela, il aide à réaliser les brochures et autres supports de communication pour les différentes destinations et produits touristiques, aide à la conception de circuits/packages, organise des salons du tourisme, participe à ceux nationaux, et aide a la communication tri-media : papier, radio, TV. Le but est donc d’améliorer l’image des Eastern Visayas, subissant le contrecoup des activités passées très médiatisées du NPA (parti communiste armé), et de créer une marque Eastern Visayas, terre première de nature et d’aventures aux Philippines offrant des activités différentes par rapport aux autres regions.

Liloan, Leyte

Par rapport au contexte actuel, quelle est la vision des Eastern Visayas ? Où  est ce que le DOT veut amener sa région en matière du tourisme dans les années à venir ? Suite au National Tourism Plan écrit en 2011, le DOT vient de finir de réaliser son plan de tourisme sectoriel 2012-2016. Sans vous inonder de chiffres, en 2011, environ 16 000 touristes étrangers et 191 000 Philippins ont visité les Eastern Visayas pour une durée moyenne de 2 jours et une nuit, ce qui est peu pour une si vaste région (Samar est la troisième plus grosse ile des Philipines). En 2016, le DOT espère avoir plus de 38 000 visiteurs étrangers et 485 000 Phililippins restant en moyenne 4 jours et 3 nuits. Pour atteindre ces performances, le DOT veut positionner sa région en tant que destination alternative aux Central Visyas et à Bicol (Sud de Luzon), en se focalisant sur ses merveilles naturelles. Le tourisme étant un réel business, il ne faut pas avoir peur de parler de concepts business et marketing. Si on identifie le type de produits touristiques actuels  et on pense au type de clients présents et potentiels des Eastern Visayas, cette région va sans doute focaliser ses activités promotionnelles sur des touristes aventureux. Un point intéressant, une opportunité a saisir avec ce type de profils clients, est leur attrait pour les medias sociaux :  dans l’air du social media, ces visiteurs aventureux utilisent beaucoup les blogs, facebook, twitter pour partager leurs experiences. Cela permet d’obtenir leur opinions ainsi que des details très précis et pratiques vis a vis des prix, des moyens de transport et des différents produits offerts, informations qu’on trouve très difficilement sans eux. Aussi, cela permet de donner envie aux autres de venir dans les Eastern Visayas.

Ulot Torpedo Boat, bien repris par les bloggeurs

Depuis peu, des expériences touristiques d’aventure ont vu le jour et bénéficient d’un beau succès Agas Agas zipline (la tyrolienne la plus longue des Philippines passant au dessus du pont le plus haut des Philippines, le pont Agas Agas), Sohoton Cave, Torpedo boat. Les autres destinations sur lesquelles le DOT peut compter sont la spéléologie pour débutants ou professionnels à Samar  (Calbiga et ces innombrables autres encore très peu explorees), les myriades de chutes d’eaux, les très belles plages que peut offrir Leyte, le tourisme culturel autour de l’histoire de la seconde guerre mondiale ayant accueilli les bases américaines militaires luttant contre le Japon. Kennedy a d’ailleurs été officier dans la plus grosse base américaine du Pacifique, située dans la région VIII, avant de devenir President des Etats Unis.

Ainsi, le DOT est venu confirmer nos observations par rapport aux atouts, faiblesses et opportunites de Samar et Leyte. Avec la motivation de sa directrice Ms Tiopes, de son équipe en général, et d’un meilleur soutien de la part du gouvernement national, sans compter l’attrait pour le tourisme communautaire que les municipalités, les communautés locales et le DOT régional cherchent de plus en plus à mettre en valeur, les Eastern Visayas pourraient bien être le nouvel eldorado de l’écotourisme aux Philippines d’ici peu. On le souhaite de tout cœur.

Le combat d’une vie pour lutter contre la pauvreté

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Initiative: Pagtinabangay, Lac Danao (Leyte)

Si nous devions décrire le couple Justimbaste en un mot, ce serait « engagement ». Depuis 1989, Emil et Jean (prénom féminin aux Philippines) se battent pour aider les plus pauvres à trouver des solutions durables pour s’en sortir. Ils ont créé leur fondation Pagtinabangay, initialement pour un programme de microfinance pour les petits vendeurs de rue qui s’est par la suite étendu aux fermiers et a été soutenu par des organisations d’aide internationales telles qu’Oxfam. Leur spécialité, c’est l’organisation des communautés. Ils ont été à l’initiative de nombreuses créations de « People’s Organizations » (POs) pour la préservation de l’environnement et l’amélioration des conditions de vie.

Le Lac Danao (photo d’internet)

En 2003, Pagtinabangay obtient un financement sur deux ans du PNUD pour un programme de lutte contre la déforestation près du lac Danao. Ce lac fait partie d’une zone protégée, mais les fermiers, très pauvres, coupaient de nombreux arbres pour vendre le bois et dégager des terres fertiles pour l’agriculture, dont les produits chimiques étaient ensuite déversés dans le lac. Pour tenter d’enrayer la dégradation de cette réserve d’eau cruciale pour la population aux alentours, Pagtinabangay a organisé une série de formations pour les communautés de fermiers du lac Danao afin de les encourager à se tourner vers une agriculture biologique. L’utilisation d’engrais et de pesticides naturels (composts, carnivores qui mangent les herbivores) évite que des produits nocifs tels que les pesticides soient infiltrés dans la terre et nuisent à la qualité de l’eau du lac. De plus, les légumes issus de l’agriculture biologiques peuvent être vendus plus chers (meilleur rendement au m²= moins de déforestation). Pagtinabangay a construit des fermes de démonstration afin de convaincre les fermiers des bienfaits de ce type d’agriculture. Avec l’aide de l’Université d’Etat des Visayas, un inventaire de la faune et flore locale a été réalisé afin de mieux appréhender et contrôler l’évolution de la biodiversité.

Le couple Justimbaste

Par ailleurs, un projet d’écotourisme a été mis en place afin de générer un revenu supplémentaire pour la population. Une auberge a été construite et des guides ont été formés. Malheureusement, en 2006, les médias ont relayé l’information selon laquelle le lac était infecté par E. Coli (bactérie se trouvant principalement dans les selles), du fait notamment des habitations en bordures du lac. Les visiteurs se sont faits rares et le projet d’écotourisme n’a jamais réellement vu le jour. Depuis, les Justimbaste continuent leur combat pour aider les communautés à s’organiser en groupes d’intérêt et à avoir une meilleure gestion des affaires publiques. Ils sont membres de divers groupes de réflexion et du Protected Area Management Board (PAMB) du Lac Danao et ils sont réputés pour leur franc-parler (de ce fait, ils ne sont plus les bienvenus dans les réunions du gouvernement local).  Leur prochaine étape : agir plus directement sur le programme économique et social d’une municipalité. Ils soutiennent actuellement le candidat de l’opposition qui a adopté leurs programmes et leurs idées.

Au marché de poissons

Mais les projets de tourisme au lac Danao n’en sont pas pour autant restés lettre morte. Depuis 2011, la municipalité d’Ormoc a repris les choses en main. Elle a aidé à la création des « Bogsay », un groupe de jeunes de la communauté en charge de gérer le centre du tourisme au lac et d’accueillir les visiteurs. Aidée par le Département Du Tourisme et par un partenariat entre une ONG allemande et la Chambre de Commerce d’Ormoc, la municipalité a formé 18 guides et financé des infrastructures telles que des toilettes et prochainement l’amélioration des routes et la création d’une plateforme d’observation du lac. Avec 4136 touristes sur le seul premier semestre de l’année 2012, la municipalité espère maintenant que le secteur privé va investir pour construire des restaurants et autres infrastructures.

Des plongeurs volontaires pour la conservation marine

Initiative : Coral Cay Conservation

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Pour la mise en place de projets de conservation environnementale et de développement communautaire à travers un programme touristique, Coral Cay Conservation (CCC) est une des seules organisations non gouvernementales internationales avec le WWF à s’être implantée durablement aux Philippines. Nous attendions donc beaucoup de cette rencontre avec un des responsables du centre du CCC, situé sur l’île de Panaon au Sud de Leyte. Au final, de très bons projets en matière de protection marine et d’implication des touristes pour cette cause mais certains manquements à nos yeux pour avoir un réel impact sur la population et l’environnement.

La baie de Sosog à l’approche du crépuscule

Coral Cay Conservation est présente aux Philippines depuis 1995 en partenariat avec la Philippine Reef and Rainforest Conservation Foundation Inc (PRRCFI) et les communautés locales pour réaliser des recherches scientifiques et des mesures de protection de la vie marine et des forêts. Depuis 2002, à l’invitation du gouvernement provincial du Sud de Leyte, cette ONG s’est focalisée sur la protection de la vie marine de la baie de Sogod, considéré comme un des 10 meilleurs sites de plongée des Philippines. Ses programmes se développent en deux points principaux : identifier et créer des zones marines protégées en collectant et évaluant des informations qualitatives et quantitatives sur les ressources marines de la Baie de Sogod ; réaliser des activités d’éducation de la population locale à la conservation de l’environnement et aux enjeux liés à la biodiversité marine. Ces actions sont financées en proposant des volontariats payants de plongée de 2 semaines minimum (4 semaines en général) à des étrangers surtout mais également aux acteurs clés pouvant jouer un rôle sur la conservation en milieu marin aux Philippines.

Rappel de la raison d’être de Coral Cay Conservation

Concrètement les volontaires bénéficient de formation à la plongée et à l’étude de la biodiversité marine en plongeant deux fois par jour, 6 jours sur 7, pour réaliser des inventaires de la faune et de la flore marine. En parallèle, le CCC, à l’initiative des gouvernements locaux (Barangays), conseillent et aident à la mise en place des zones marines protégées (Marine Protected Area – MPA) qui nécessitent une évaluation de la biodiversité marine. Afin de développer les compétences locales des personnes pouvant avoir une influence sur les MPA, ces mêmes formations leur sont accordées en fonction de leurs  disponibilités et des besoins. Ces acteurs sont essentiellement les capitaines de barangays, les responsables de la pêche et de l’environnement des institutions gouvernementales, et des membres d’ONG.

Session d’apprentissage à l’identification d’espèces marines

Enfin, CCC a pour mission de créer une réelle prise de conscience environnementale et de participer au développement des communautés. Pour cela, sur demande, des séminaires et formations sont organisés dans les universités alentours et au sein des barangays, et des journées d’éducation sont mises en place pour les écoles et lycées au travers de présentations et de jeux pour comprendre l’importance des coraux, de la biodiversité marine et de sa protection.

Mur de présentation des espèces de la Sogod Bay

Mais, à nos yeux, une vision globale des enjeux liés à la conservation marine fait quelque peu défaut au sein de cette initiative: tout d’abord, même si CCC est bien connue dans la région, les programmes éducatifs ne sont mis en place qu’à la suite de demandes formelles de la part des acteurs locaux, faisant preuve d’un certain manque de pro-activité alors que la conscience environnementale n’est pas ce qu’on fait de mieux aux Philippines. Ensuite, cette ONG a un rôle de conseiller et de formation pour les institutions gouvernementales. Mais la gestion et le contrôle des lois créées dans les zones marines protégées sont du ressort des gouvernements locaux qui manquent généralement de ressources financières, humaines et matérielles, diminuant l’impact du travail de CCC. Un meilleur suivi, des programmes d’aide au financement, de développement de compétences plus générales, de gestion des déchets (en plus des nettoyages de plages déjà réguliers) ou de développement d’activités économiques liées aux ressources marines pourraient être mis en place. Ceux-ci ne relèvent pas de la mission première de Coral Cay Conservation mais viendraient l’appuyer grandement. Surtout, cela permettrait aux communautés locales d’être aptes à prendre en main le travail que réalise l’ONG sur le long terme, but premier d’un projet de développement communautaire.

Salle de cours et d’expérience

Enfin, même si CCC a une manière unique de financer leurs programmes de conservation par le paiement des stages de volontariat, seuls les 5 membres de l’équipe de l’ONG présents sur place sont habilités à réaliser les programmes éducatifs, alors qu’ils semblent s’occuper continuellement des volontaires. C’est un peu dommage que ces ‘‘ressources humaines’’, leurs talents et passion ne soient pas utilisés pour réaliser plus d’activités avec les populations ou bien des activités de plus grande ampleur. Mais les volontaires paient relativement cher leur séjour et vont donc privilégier les plongées à d’autres activités. Finalement, du fait de leur rotation permanente, l’étude de la biodiversité marine semble avoir moins d’impact qu’un travail de fond entrepris par quelques personnes sur le long terme.

Du commerce illégal de bois aux splash enjoués des touristes

Initiative : Ulot Torpedo Boat Extreme Ride

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Pouvoir descendre les rapides de la Ulot River sur un ‘‘bateau-torpille’’ relève quelque peu d’un parcours du combattant pour le voyageur sans transport privé. Comme pour beaucoup d’activités à Samar d’ailleurs (voir notre article sur Sohoton). Nous n’avons malheureusement pu tenter l’expérience mais ceux qui s’y sont risqués n’ont pas regretté.  Un peu moins d’une heure de descente et 1 heure et demi de remontée alternant eaux calmes et rapides à bord d’un Torpedo, cette longue barque en bois sans balancier (contrastant avec la traditionnelle bangka), à slalomer entre les cailloux et à se faire éclabousser de toute part. Les Philippins en redemandent.

Les fameux bateau-torpilles appelés Torpedo

D’où vient cette idée saugrenue de descendre des rapides dans une barque en bois, surtout dans un endroit plutôt coupé du monde, à une vingtaine de kilomètres de la petite ville de Paranas, elle-même à environ 45 minutes en jeepney au sud-est de Catbalogan? Historiquement, la Ulot River, la plus grande rivière de Samar, était la principale voie de transport de marchandises et de passagers compte tenu du mauvais réseau routier de la région. Aussi, avant la création du Samar Island Natural Park (SINP) en 2003, le plus grand parc des Philippines, cette rivière servait de réseau de distribution au commerce illégal de bois.

Présentation du Parc National de Samar Island

Comme à Pamilacan Island où la chasse à la baleine a été interdite, à Bojo River ou au sein du Bulusan Volcano National Park où l’abatage sauvage a été stoppé, il fallut trouver des revenus alternatifs pour les communautés locales vivant principalement de ces activités illégales. C’est pourquoi quelques années plus tard, alors que le Quartier Général du SINP se construisait en 2006 sur les bords de la Ulot River, ses employés réalisèrent le potentiel de cette rivière et de ses rapides comme expérience écotouristique et d’aventure, et donc comme source de revenus alternatifs pour la communauté locale. Alors qu’au départ, le département du tourisme poussait à mettre en place des activités de kayak, de tubing et de marche,  ils ont compris par la suite qu’il pouvait être particulièrement intéressant d’utiliser ces mêmes bateaux qui transportaient le bois illégal auparavant, surtout qu’ils étaient conçus pour braver les rapides de la rivière. Pour l’expérience, c’est plus fun et culturellement parlant, cela ajoute un plus.

Mr Villanueva, Coordinateur de l’expérience Torpedo

Pour piloter ces bateaux, rien de mieux que de demander les services des experts pilotes que sont les anciens transporteurs de bois illégaux. Cela pousse à mettre un terme à ce commerce qui a perduré durant ces quelques années tout en leur offrant des revenus légaux et durables supérieurs aux activités passées. Après la conception du programme de tourisme communataire, élément du Samar Island Biodiversity Programme financé par le Programme des Nations Unis pour le Développement, et des formations du Département du Tourisme, la Tenani Boat Operators for River Protection and Environmental Development Organization (TORPEDO) est crée en 2010. Elle compte aujourd’hui 60 membres dont 13 guides et une quarantaine de capitaines de bateau et de ‘‘pointmen’’ ou timoniers qui manœuvrent les Torpedos afin d’éviter de heurter les rochers affleurant. 20 Torpedos sont en fonction aujourd’hui, possédés par la communauté, en plus de kayaks et de grosses bouées gonflables.

Entrée du QG du SINP, ses bureaux, salles de séminaires et dortoirs

Alors que 525 visiteurs ont testé l’expérience Torpedo en 2011, Mr Villanueva et son équipe de la municipalité de Paranas ne veulent pas s’arrêter là et souhaitent faire de Paranas une grande destination d’aventures ainsi qu’une réelle expérience éco-culturelle. Pour cela, ils cherchent à créer des maisons d’hôtes, proposer des repas aux visiteurs, préparés par la communauté locale, bâtir un centre d’écotourisme et des cabanes dans les arbres. Mr Villanueva a besoin de plus de fonds mais il travaille à construire de solides partenariats public-privé pour financer ces beaux projets.

Samar et Leyte, sauvages et mystérieuses

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En nous lançant dans cette aventure aux Philippines, nous souhaitions vous faire découvrir des lieux délaissés des touristes malgré leurs nombreuses ressources et leur grand potentiel. Nous voulions aussi réfléchir aux possibilités pour que ces îles puissent recevoir des visiteurs sans que l’environnement ne  soit dégradé ou qu’elles en perdent leur identité et deviennent des « mini-Boracay ».

Carte de la Région 8

Voici 10 jours que nous voyageons à Samar et Leyte, sans n’avoir croisé aucun touriste étranger. Pourtant, comme en témoigne l’album photo, il y a beaucoup à faire et à voir. Alors pourquoi ce désamour des touristes ? Les transports, le manque de tours opérateurs et de marketing ainsi que le climat politique sont autant de facteurs qui peuvent apporter des explications.

Avant tout, des petites indications sur ces deux îles situées dans la région VIII (cf. carte).Respectivement 4et 8e  plus grosses îles des Philippines,  Samar et Leyte sont deux provinces pauvres. Pour vous donner un exemple, le seuil de pauvreté a été déclaré à 20 euros par personne et par mois dans cette région en 2009. A Samar, 37%de la population était en dessous de ce seuil en 2009, et 27% pour Leyte, contre 21% aux Philippines en général (source : National Statistical Coordination Board). La population dépend majoritairement de la production de céréales (riz,maïs) et de produits dérivés des noix de cocos mais les cultures sont souvent affectées par les typhons.

Champs de riz à Samar

Samar et Leyte sont deux vrais petits bijoux pour le voyageur qui a du temps et de la patience (ou ni l’un ni l’autre, mais de l’argent). En effet, les transports publics se font rares et bondés, soit il faut se résigner aux 20 km/h moyens qu’effectue un véhicule (bus ou jeepney) et en profiter pour observer les routes côtières splendides, soit il faut privatiser un véhicule. Il est vrai que c’est très fatigant et très long de se déplacer, mais le jeu en vaut la chandelle !

Un transport bondé…!

Ce sont deux îles très sauvages, qui devraient attirer plutôt des touristes en quête de sport et d’aventure. En effet, il y a de nombreuses grottes splendides (et encore plein d’autres à explorer), des possibilités de treks à gogo et un potentiel aussi pour le canyoning, sans oublier le surf sur la côte Est de Samar (mais pas pour les débutants !) et la tyrolienne la plus longue des Philippines sur Leyte (que l’on a testée, cf. notre groupe facebook). Cependant, il n’y a pour le moment qu’une poignée de tours opérateurs (un à Samar, et très peu à Leyte), et un manque de publicité de la part des organisations nationales pour encourager les acteurs privés du tourisme à s’installer là-bas.

Mais ce qui nuit surement le plus à Samar et Leyte, ce sont les nombreux typhons qui les balayent chaque année (sans compter les secousses sismiques, croyez-nous !) et la présence du New People Army (NPA), groupe armé rebelle philippin. Il n’y a jamais eu d’enlèvement de touristes sur ces îles et l’atmosphère n’est pas du tout à la guerilla, mais les médias philippins, en ne parlant de ces deux îles que pour en dire des nouvelles alarmantes, ont participé à un sentiment de peur au sein la population, particulièrement à Manille.

Qu’à cela ne tienne, nous avons quand même fait des rencontres intéressantes de passionnés qui ne perdent pas espoir de faire connaître leurs îles. Joni, le spéléologue solitaire à l’origine de belles découvertes de grottes sur Samar, et Leyte Gulf Travel, agence basée sur Leyte, nous ont tous deux fait part de leur lutte quotidienne pour attirer les touristes dans la région VIII (Samar et Leyte).  Joni a eu la chance d’être recommandé par le Lonely Planet, ce qui aide beaucoup, et Leyte Gulf s’appuie sur ses voyages à l’étranger et dans le reste des Philippines pour tenir financièrement.

Sur la route

Mais s’il y a un site qui est populaire, à la jonction entre les deux îles, c’est bien le « Sohoton Caves and Natural Bridge ». Avec ses 3000 visiteurs par an (dont quand même de nombreux locaux), c’est l’attraction majeure de la région (bien qu’à notre goût, vraiment pas la plus intéressante). L’accès à la grotte de Sohoton se fait par bateau, sur une rivière émeraude bordée de palmiers et de villages sur pilotis avant d’apercevoir les falaises de calcaire et le « natural bridge ». Avant tout voyage, il faut passer par l’office du tourisme de Basey, à Samar, petite ville agréable connue pour sa vannerie et son église.

Les affichages à l’Office de Tourisme

A l’office du tourisme, nous avons été frappés par les affichages très complets de toutes les données économiques et stratégiques. Nous qui nous plaignions du manque de transparence des gouvernements locaux, nous voilà servis ! La mairie participe en effet à un programme national visant à permettre l’accès des citoyens aux informations qui les concernent. Nous sommes reçus par la chargée du tourisme, Angelina O. Ritaga, qui nous fait part des difficultés et des succès de l’office du tourisme. Le gouvernement local a aidé à la création de Sohoton Services Association (SSA) en 2003, afin de regrouper les « éclaireurs » des grottes, des guides et les agents en charge de la propreté et la sécurité du site. La SSA reçoit 10% du prix payé par les touristes pour entretenir les sites culturels de la ville et payer les salaires. Tous ont reçu une formation du Bureau du Tourisme et du Département de l’Environnement et des Ressources Naturelles (DENR). Cette bonne organisation a permis d’attirer les touristes, notamment de Tacloban (capitale administrative de Leyte).

Angelina nous a avoué avoir reçu des plaintes concernant le travail des guides et souhaite bénéficier des services d’un guide plus expérimenté pour renforcer  la formation des guides locaux. Les difficultés que rencontre l’office de tourisme sont majoritairement liées aux changements électoraux (actuellement le nouveau maire est moins impliqué dans le tourisme) et le manque d’aide du DENR, qui collecte pourtant un taxe de 200 pesos pour les touristes étrangers et 25 pesos pour les philippins ! Selon Angelina, avec tout cet argent le DENR devrait être d’un appui et d’une aide technique et financière conséquents, mais les agents du DENR ne sont actifs que lorsqu’il s’agit de collecter la taxe….

Le « pont naturel » à Sohoton

Malgré ces difficultés,  l’office du tourisme rêve de grands projets comme de la construction d’une tyrolienne, de restaurants et hôtels dignes de ce nom, de pédalos etc. L’installation d’un club de ski nautique est déjà en route, portée par un investisseur étranger.

En effet, située sur Samar, à 30 min des splendides îles Marabut et du paradisiaque Caluwayan Resort et à seulement 45 min en van de l’aéroport de Tacloban, Basey a tout ce qu’il faut pour devenir une destination touristique de renommée !

L’expérience unique de Donsol d’intéraction avec les requin-baleines

Initiative: Intéraction avec les requin-baleines de Donsol

English version here

Après l’article de Violaine couvrant la polémique sur l’alimentation des requins baleines à Oslob et ses conséquences écologiques, sociales et économiques, nous sommes retournés au berceau de l’expérience écotouristique exceptionnelle d’interaction avec ces ‘‘géants au cœur tendre’’. A l’inverse d’Oslob, Donsol a été à l’avant-garde d’une planification touristique respectant l’écosystème grâce à des partenariats multisectoriels forts.

Photo par harrywoolner.files.wordpress.com

La petite municipalité de Donsol sortit de sa torpeur quand, en 1998, un groupe de plongeurs menés par Romir Aglugub filma et publia en ligne leur rencontre avec ce monstre paisible, craint depuis toujours par les pêcheurs locaux. Depuis, le nombre de touristes a augmenté de manière exponentielle faisant de Donsol la capitale mondiale des requins baleines. De 867 visiteurs en 2002, 25 174 personnes ont visité Donsol en 2011. Contrairement à Oslob où l’activité touristique n’a pas été du tout préparée et manque cruellement d’une organisation efficace, l’interaction avec les requins baleines de Donsol a bénéficié de l’expertise du WWF depuis 1998 en matière de conservation de l’environnement et de mise en place d’un tourisme communautaire favorisant le développement économique et social des communautés locales tout en contrôlant de manière stricte les impacts sur ces requins baleines.

Règles à respecter

Alors que l’avenir de ces animaux à Oslob inquiète les environnementalistes du fait de la modification de leur comportement et de leur écosystème, un enjeu majeur de l’écotourisme est de préserver, conserver les ressources naturelles (géologiques, animales, végétales) afin que celles-ci restent plus ou moins intactes et puissent continuer à être valorisées sur le long-terme. S’il n’y a plus de requin baleine, il n’y a plus de touriste, donc plus de revenus.

Ainsi, ce qui rend unique l’expérience de Donsol et de son tourisme communautaire est la préparation de la population locale et les règles strictes d’interaction au sein d’une organisation tripartite. Depuis le début de ce projet, cette collaboration a été gérée de la manière suivante: le WWF est chargé des questions de conservation et de recherche sur l’écosystème des requins-baleines, la municipalité du contrôle et de la gestion des activités touristiques, et le DOT des formations et de la promotion de la destination.

Lieu d’accueil des visiteurs

Concernant la préparation de la communauté, des Butanding Interaction Officers (BIO ; Butanding = requin-baleine en tagalog)  ont été formés parmi les pêcheurs par le DOT. Ils sont les guides touristiques assistant les touristes alors que ceux-ci nagent avec ces énormes bêtes, passant de manière nonchalante quelques mètres plus bas. Les guides touristiques, les membres d’équipage, les capitaines de bateaux ainsi que les vigies chargés du repérage des requin-baleines ont pu suivre des formations en matière d’approche et d’interaction avec les animaux, de premiers secours et de service client. Au sujet des règles strictes d’interaction avec les animaux, le WWF a appliqué les recommandations d’experts australiens ayant publié sur le sujet : un bateau limité à 6 personnes maximum par requin-baleine, interdiction de les toucher, d’entraver leur route ou de plonger auprès d’eux. Aussi, la capacité d’accueil a été limitée à 30 bateaux par jour avec 10 minutes de nage par animal.

David David; l’environnementaliste du WWF qu’on a rencontré

L’observation des requins-baleines est un bel exemple d’écotourisme communautaire. Mais voilà, du fait de son succès, certains enjeux apparaissent : avec l’afflux massif de visiteurs et des apparitions animales moins fréquentes qu’auparavant (cela serait dû à une hausse de la température de l’eau ; plus d’infos en lisant cet article en anglais du WWF), les règles sont de moins en moins respectées face aux attentes pressantes de pouvoir nager auprès de l’inoffensif plus gros poisson au monde. En 1998, 28 pêcheurs ont été formés pour devenir guides. Aujourd’hui ils sont 41. La formation et l’emploi de nouveaux de guides sont sujets à l’accord de l’association des Butanding Interaction Officers qui bien entendu veulent limiter le nombre de guides. Alors que cette activité est devenue un commerce très juteux, l’opportunité de faire bénéficier de la manne financière à un plus grand nombre d’habitants serait dans l’ordre des choses considérant le concept de tourisme communautaire. Un autre enjeu dont nous avons peu parlé auparavant: l’emploi peu durable des revenus par les capitaines de bateau, les guides et membres d’équipage qui préfèrent dépenser dans les combats de coqs (un des ‘‘sports’’ national aux Philippines) ou la boisson plutôt que d’épargner pour leur avenir ou celui de leurs enfants. Un gros effort d’éducation de ces anciens pêcheurs reste donc à fournir de la part des associations et du gouvernement local, en plus de la possibilité d’accès à des services financiers adaptés à leurs besoins : produits d’épargne, micro-crédits…

Même si certains dispositifs sont mis en place comme la collecte de 50 pesos par groupe de touristes (inclus dans les 600 pesos payés  aux BIOs) pour la sécurité sociale et pour alimenter un compte en banque de l’association des guides, la municipalité fait preuve d’une certaine mauvaise foi. La chargé de tourisme de Donsol n’a pas voulu admettre ces enjeux d’utilisation de revenus par ces anciens pêcheurs. Sans compter, qu’encore une fois, la taxe prélevée par la municipalité  manque cruellement de transparence. Elle va tout droit vers ses fonds généraux et non vers le développement des communautés concernées ou de la conservation de l’écosystème, pourtant à l’origine de cette manne qui fit connaître Donsol mondialement.

Samar, l’île sauvage

Après vous en avoir tant parlé, et en attendant deux articles sur des initiatives de tourisme dans cette île au grand potentiel qu’est Samar, voici des photos!